Jean-Jacques Rosé est chercheur correspondant du Centre Norbert Elias EHESS – CNRS, Marseille (http://centre-norbert-elias.ehess.fr/), Research Affiliate, ESC Rennes School of Business, vice – président de l’ADERSE (Association pour le Développement et la Recherche sur la Responsabilité Sociale de l’entreprise (ADERSE), et membre du European SPES Forum. Consultant, Ancien DG d’Idée-force FCA, et enseignant à Paris IV Sorbonne.


– Comment adapter la démarche RSE à la culture locale? Que considérer ?

La démarche RSE n’a pas besoin d’être adaptée à la culture locale car elle est née et s’est développée à partir du paternalisme qui est un refus de faire payer le progrès des uns par l’exploitation et l’aliénation des autres. Ce refus a pris dès le début de l’industrialisation des formes différentes selon les religions, les cultures et les mœurs de chaque pays, voire même parfois de chaque région, aux Etats-Unis et en Europe . Aujourd’hui, une force de la RSE est son caractère multiculturel. En Amérique latine plusieurs modèles coexistent. Il est très utile pour nous de comprendre aussi comment l’Inde et la Chine ont réussi à ré-enraciner la RSE dans leur propre histoire.

– Lors de votre dernière conférence à Casablanca, vous avez insisté sur une certaine évolutivité de la thématique de la RSE en entreprise. Qu’en est-il de part et d’autre de l’Océan Atlantique et de la Méditerranée ?

Les modèles américains et européens présentent des traits opposés. En schématisant à l’extrême, pour un manager américain on traite mieux les problèmes sociaux par le dialogue au sein de l’entreprise que par le moyen d’obligations légales qui portent souvent la marque de la bureaucratie propre à l’action du pouvoir fédéral. En Europe, à l’inverse, sous des formes différentes dans chaque état, la « question sociale » relève de la sphère politique. A ce titre, l’Union Européenne (la Commission au début des années 2000, puis aujourd’hui le Parlement) a eu un rôle moteur dans la construction d’une RSE dite implicite par opposition à une RSE américaine dite explicite. Une analyse lexicale de la communication des firmes à propos de la RSE « les plus réputées pour la CSR, des deux côtés de l’atlantique » nous propose une approche détaillée des motivations des acteurs de huit firmes américaines et de huit firmes européennes. Les résultats sont très nets :
– les firmes américaines justifient leur politique de CSR par leur utilité économique ;
– les firmes européennes fondent la RSE par le dépassement de la nécessité économique.
Nous disposons de beaucoup moins d’informations comparatives sur les formes que prend la RSE autour de la Méditerranée. Le projet “Agora des Ressources Humaines en Euroméditerranée” initié par François SILVA à Euromed Marseille Ecole de Management a permis depuis le début des années 2000 le développement de nombreux échanges, sans pour autant réduire les divisions fortes entre des perspectives aussi opposées que celles des cultures Italiennes et Espagnoles par exemple….Pour ne pas évoquer des divisions comme celles de Chypre ou des tragédies comme celles du Liban. C’est comme si notre Mer Intérieure était encore un microcosme de notre monde : il nous reste beaucoup à faire, ensemble.

– Quels enseignements devrait tirer le Maroc de l’expérience des pays précurseurs ?
Une RSE qui ne soit ni green washing, ni manipulation suppose une compréhension sincère et personnelle de l’attribution du qualificatif social au substantif responsabilité. Historiquement, être responsable ce fut d’abord, dans le droit romain, répondre de, être garant. Que cette garantie ne soit plus seulement individuelle (par un engagement contractuel) mais qu’elle devienne sociale, cela signifie qu’elle acquiert une légitimité et une force supérieure fondées sur son enracinement dans une communauté. Telle est sans doute l’inspiration principale des textes fondateurs. Le progrès social est le fruit de la rationalité scientifique et technologique, mais cette raison technicienne devient aveugle quand elle s’abstraie des liens avec la communauté sociale d’où elle procède. Personne ne peut et ne doit dire aux marocains ce que deviendra leur propre responsabilité sociale. Le peu que je connaisse de ce Maroc, pourtant si proche, me fait espérer beaucoup de la contribution de votre pays à ce que devient la RSE globalisée.

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Massolia a pour objectif de développer les technologies vertes au Maroc grâce à l'information et la promotion économique. Tous les sujets environnementaux sont concernés: énergies solaire, éolienne, hydraulique, construction durable, agriculture biologique, transports, conseil et certification, économies d'énergie, développement durable, assainissement,...
Massolia est la transcription phonétique du mot المسؤولية en arabe qui signifie “Responsabilité”.

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