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La question du développement de Casablanca (3/3)


Rachid Haouch, architecte-urbaniste et paysagiste dplg tire la sonnette d’alarme.

Contribution en trois parties dédiée à la thématique de Casablanca. Découvrir les autres parties ici
5/ Casablanca est une ville qui est devenue un pays qui contient quatre villes.

La ville d’aujourd’hui possède quatre trames urbaines contradictoires, qu’elle n’arrive pas à gérer et à assumer : la médina en tant que ville traditionnelle qui tombe en ruine et en désuétude, le port en tant que ville excentrique qu’il faut ouvrir et rattacher à la ville, la ville européenne New Haussmannienne de Prost en tant que cité-jardin d’antan dont il faut réhabiliter les boulevards, sauvegarder les tracés urbains et le patrimoine architectural et la ville populaire moderne dont il faut développer l’urbanisme à l’îlot, l’équilibrer matériellement par rapport à celle de Prost et l’orienter vers la mer, avec l’obligation de mettre en place un ratio de 30% de l’habitat social contre 70% de l’habitat moyen et de haut standing pour la mixité sociale.Il faut savoir aussi que la migration alternante domicile-travail entre ces quatre villes et entre les quartiers les composant ainsi que ceux en cours de réalisation ou à venir : Marina, Casa-city Center, Anfa Place, etc., renforcera les difficultés de déplacement en ville et accentuera la pollution de l’air. Ainsi, l’autre mal de Casablanca, pour lequel il n’y a pas de solutions aux ravages causés, ce sont les dérogations accordées à tout va aux promoteurs, sans compensation et surtout sans étude d’impact sur le tissu existant. A cet égard, le cas de Lissasfa et de Aazbane, etc., est flagrant, de même l’enclavement de Casa-city center sera difficile à résoudre car c’est un nouveau quartier très dense par la hauteur et qui n’a pas fait l’objet d’intégration à l’ensemble du tissu existant.
Cependant aussi, l’ouverture de 3000 ha à l’urbanisation par le nouveau Schéma Directeur, le SDAU va créer une métropole maritime gigantesque, incontrôlable et écologiquement ingérable.Car au-delà de 100 000 habitants une ville échappe à tout contrôle.Il faut donc recourir à des éco quartiers autonomes et à taille humaine pour surmonter ce gigantisme métropolitain.
Il faut aussi penser à stopper d’urgence l’étalement de la ville et songer à recréer la ville sur elle-même par la microchirurgie urbaine et d’aller par ailleurs dans le monde rural afin de stopper son exode tout en vidant Casablanca d’entreprises attractives de main-d’œuvre bon marché et en les implantant à la campagne pour la développer.
On dénombre plus de 600ha de libres entre AïnSebaa et Roches noires sur les friches industrielles, les voies de stockage de l’ONCF, les dépôts des carburants, etc. Ces sites sont maintenant en cours de densification sans penser à y édifier des poumons verts pour faire respirer Casablanca.

Il faut donc tertialiser la ville à l’instar de ce qui a été fait pour Londres dans les années 60 et pour Paris dans les années 70.
On aurait pu créer un pôle d’excellence comme hub financier mondial, composé de tours entre 200 et 300m symbolisant la muraille de la médina crénelée en bord de mer de Casa-port à la porte 4, supportée par un gratte-ciel de 500m en guise de référence à la silhouette de la médina et qu’on admirait au lointain sur l’atlantique. Une vision contemporaine au-dessus de la voie ferrée afin de réconcilier la ville avec son port, avec aussi au large des éoliennes flottantes, la grande baie de ainsbaa, la corniche de ainsbaa, le pôle de développement de la gare de ainsbaa et de roches noires, etc… Un véritable projet de ville pour Casablanca de plus de 5 millions de m² de planchers et qui créerait plus de 50 000 emplois directs et 100 000 indirects…. Et ce à l’image des grandes métropoles maritimes mondiales.
Car, au regard de la cherté des terrains et l’absence du foncier et étant donné qu’un emploi tertiaire est créé sur seulement 10m² contre 100m² pour celui issu de l’industrie, étant donné aussi la pression des activités de bureau et la pollution engendrée par l’industrie en milieu urbain dense, il faut penser à évider Casablanca de son industrie actuelle et créer une ville nouvelle dédiée à cet effet, périphérique, à proximité des grands axes autoroutiers et ferroviaires…
La ville est devenue par conséquent un pays dans le pays. Et, quand Casablanca tousse, tout le Maroc tremble.Elle représente en effet plus de 20 à 30% du PIB national (en comptant évidement le grand Casablanca) et ceci va s’accroître à en croire ses évolutions futures.
Elle finira un jour par s’effondrer sur le poids de son propre développement au détriment du reste du Maroc.Elle est sur l’axe métropolitain du Schéma National de l’Aménagement du Territoire, le SNAT qui allait de Tanger à Essaouira, où sont concentrés plus de 70% de Marocains et qui sera renforcé par l’autoroute et le TGV et ce au détriment du reste du Maroc.

En conclusion.

Pour le salut de Casablanca et du pays, il faut impérativement sortir le Maroc du schéma initial du 20ème siècle de l’axe atlantique en édifiant l’épine dorsale montagnarde de Nador jusqu’à Massa, passant par les montagnes en vue de les développer et de les désenclaver. Et auniveau des nœuds de cette nouvelle artère autoroutière et ferroviaire avec la trame nationale on y implantera des villes nouvelles à vocations territoriales ancrées dans le paysage pour soulager et décongestionner l’axe atlantique et pour réduire la pression qui pèse sur Casablanca.
Imaginons un instant ces ouvrages filiformes qui se faufilent dans le vide pour laisser entrevoir les paysages spectaculaires et époustouflants, qui ont fait la beauté et la renommée du Maroc, à l’image des Pyrénées en Suisse et du viaduc de Millau dans le Midi-Pyrénées en France.Ainsi, d’une part, on reliera la mer à la montagne en passant par les plaines et on réconciliera le Maroc utile au Maroc inutile cher à Lyautey par la création de richesses et le renforcement de l’unité nationale. D’autre part, le pays retrouvera son ancrage historique et son harmonie, car le Marocain est descendu de la montagne pour créer la civilisation urbaine sur les plateaux comme Fès, Meknès, Marrakech, etc.En effet, le Marocain n’a pas le pied marin, il n’a pas construit de ville en bord de mer à part Rabat qui était le fait des Almohades de l’autre côté de la Méditerranée. Toutes les villes côtières sont construites par les étrangers depuis les phéniciens jusqu’aux Français en passant par les Portugais et les Espagnols.Le Marocain n’a construit que des Kasbahs au bord des embouchures des fleuves pour protéger les sources et les villes de l‘arrière-pays, comme la kasbah de Mehdia sur Sebou, les Oudayas sur le Bouregreg, Azemmour sur Oum Rbia, etc. A ce rythme effréné, l’axe atlantique finira par se densifier de Tanger à Essaouira avec plus de 70% de Marocains à son bord au détriment du reste du territoire qui meure à petit feu surtout lors des grands froids. C’est ce qui est déjà fatalement à l’œuvre.

Rachid Haouch


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